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Présentation

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Michel Jean-Baptiste Dupré naît le 5 novembre 1886 à Château-Gontier en Mayenne. Comme bon nombre de ses contemporains, rien ne le prédestine à la guerre. Il fait les Beaux-Arts de Laval, remporte certains prix et entreprend ensuite des études d'architecture. Son père, artiste peintre, n'est sans doute pas étranger à ses aspirations.

Michel Dupré est en première ligne pendant presque deux ans. De cette période, on retrouvera trois carnets de dessins, parfaitement conservés. Ces documents sont extraordinaires, et ce à plus d'un titre.

Tout d'abord, Michel Dupré a décidé de raconter la guerre avant même le départ de son régiment de Laval. C’est un témoignage rare, car la plupart des poilus qui ont produit des œuvres d’art sur la guerre l'ont fait une fois dans les tranchées.

Ensuite, le nombre de ses dessins, plus de 120, donne une importance primordiale à ses carnets. Il ne s'agit pas d'œuvres isolées, mais d'un récit quotidien. On suit Michel Dupré dans les plaines, sur le front, au Mort- Homme, aux Éparges, mais aussi à l'arrière, par exemple au repos dans des péniches amarrées le long de la Meuse. Ainsi, c'est sa vie, sa guerre, qu'il nous raconte à travers ses dessins.

Enfin, la force de son témoignage tient aussi et avant tout à ses qualités artistiques indéniables. Comment ne pas ressentir la mélancolie de Friker, un autre téléphoniste de son régiment, en regardant le portrait qu'il fait de lui, ou l'horreur lorsqu'il dessine une botte ensanglantée dépassant d'une tranchée aux Éparges ? Là où Maurice Genevoix, qui a combattu à quelques centaines de mètres de lui, donne vie à la guerre avec des mots dans son roman Ceux de 14, Michel Dupré préfère le dessin. Et chaque trait porte sa vérité. On patauge avec lui dans la boue, on entend le bruit des marmites et des shrapnels qui éclatent, on sent l'odeur irrespirable de la mort, on voit la terre soulevée par les impacts des balles.

Mais ce n'est pas tout. D'autres documents viennent renforcer le caractère exceptionnel de ces carnets. Pierre Brancher, un camarade du régiment, photographe amateur, est aux côtés de Michel Dupré d'octobre 1914 à mai 1916. Ils travaillent au même endroit, étant chargés tous les deux de missions de renseignement. Pierre Brancher prend ainsi de nombreuses photos, beaucoup correspondant aux dessins de Michel Dupré. Elles sont essentielles, car elles nous apportent la preuve que Michel Dupré ne tente pas de modifier, d'atténuer ou d'exagérer ce qu'il voit. Au contraire, il dessine la réalité, la réalité nue, parfois dans toute son atrocité.

Le fait que les mêmes lieux, les mêmes poilus et les mêmes horreurs soient représentés par deux témoins utilisant des techniques différentes est extrêmement rare. Cela permet de comparer les émotions du photographe et celles du dessinateur.

Au début de ses carnets, Michel Dupré ajoute du texte à ses dessins, à la façon d’un journal quasi quotidien. Pourtant, il s’arrête d'écrire après moins de deux mois de conflit. Il ne reprendra la plume qu’une seule fois. Nous avons en effet trouvé deux feuilles collées à la fin du troisième carnet, bien à l’écart, contenant plusieurs lignes bouleversantes sur l’horreur qu’il a vécue aux Éparges. Est-ce lui qui a collé ces feuilles ? Pourquoi a-t-il éprouvé le besoin de mettre des mots sur cette expérience ? Ces questions resteront sans doute sans réponse, mais après tout, peu importe. Toutes ces conjectures nous écartent de la vérité, de sa vérité. Les carnets de Michel Dupré se suffisent à eux-mêmes. Et, en regardant ses dessins un à un, rapidement ou en détail, on ne peut que penser à lui, assis dans la boue des Éparges, faisant face à l’horreur et à l'Histoire qui se dessine devant ses yeux. Et l'on entend, couvrant les bruits de son crayon sur le papier, la voix de Maurice Genevoix résonner : « Ce que nous avons fait, c’est plus qu’on ne pouvait le demander à des hommes. Et nous l’avons fait. »

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